lundi 22 octobre 2018

mabrouk

illustration extraite de www.traidnt.net

Ce mot est fréquemment utilisé pour adresser ses félicitations (naissance, mariage…), avec parfois l’ajout de “alf” (mille) : alf mabrouk !
On l’emploie également à l’occasion de l’aïd (aïd mabrouk !).
Ou bien lorsque l’on félicite quelqu’un… pour ses nouvelles chaussures ! (mabrouk 3alâ l-ardh ! - مبروك لى الارض)
Littéralement, le mot signifie : ayant fait l’objet d”une “baraka” (bénédiction divine). D’où la réponse usuelle : Allâh yebârak fîk (au féminin : fîki) ! Que Dieu te bénisse ! (الله يبارك فيك)

samedi 20 octobre 2018

choukrân(e)

Marché en Égypte, par Leopold Carl Müller
On ne présente pas ce mot archi-connu. Il est utilisé quasi spontanément par un étranger, quand bien même ignorerait-il tout de la langue du pays arabophone où il se trouve, dès lors qu’il souhaite exprimer un remerciement.

Les variantes égyptiennes du mot sont par contre moins connues : moutchakker (au singulier - bien marquer le double “k”), moutchakkerîn (au pluriel), moutchakker(în) ‘awî (merci beaucoup), alf choukr (merci mille fois)...

La réponse qui peut être apportée à ce remerciement : lâ choukra 3alâ wâguib !
- لا شكر على واجب - (pas de merci pour une obligation… il n’y a pas de quoi ! - bien noter : "lâ choukra" et non "lâ choukrân-e"). Ou encore : al-choukr (pron. : ach-choukr) lil-Lâh ! (merci à Dieu).

Lorsque l’on décline une offre ou une invitation, utiliser lâ ! choukrân ! (non ! merci ! comme no ! thanks ! en anglais). Sinon, sans le “lâ !”, cela signifie ou pourrait signifier que l’on accepte, et que l’on remercie par anticipation.

vendredi 19 octobre 2018

mafich

Saad Zaghloul : "Mafîch fâyda"

mafîch ( مفيش) ou mâ fîch (ما فيش) : un mot que les étrangers assimilent vite, en le faisant d’ailleurs souvent rimer avec bakchich !

“Maintenant vient le moment difficile. Un grand silence ; il faudrait causer, mais que dire ? Je ne sais que trois mots d'arabe, et mafich, rien, encore moins emshi, va-t’en -, ne seraient bien placés ici. Tant pis ! il faut que taïb, l’adjectif admiratif, fasse tous les frais.” (Blanche Lee Childe, Un hiver au Caire : journal de voyage en Égypte, 1883)

“Règle générale, les Anglais payent plus cher que les Français ; aussi avons-nous toujours soin de dire : Mafich Englesi, ana Françaoui ; à quoi l'on répond : Bono Françaoui, bono.” (Mag Dalah, Un hiver en Orient, 1892)

“La vue de l'album les attire ; en un instant ils sont devant nous et sur nos épaules, faisant en arabe mille questions qui, grâce au mot de bakhchich, fond du langage, deviennent de plus en plus intelligibles. “Mafich !” répond-on et l'on ferme l'album.” (Arthur Rhoné, L'Égypte à petites journées : le Caire d'autrefois, 1910)

Employé seul, ce mot (simple ou composé) mafîch ( مفيش) ou mâ fîch (ما فيش) signifie : il n’y a pas ; il n’y a rien...

Dans des locutions, il traduit une négation ou l’inexistence de quelque chose :

mâ-fîch hâga gâya fî l-sikka (ما فيش حاجة جاية في السكّة) : litt. “il n’y a rien qui arrive sur la voie” (en réponse à une question pour savoir si une femme est enceinte ou non)

mâ fîch mouchkila (ou pl.: machâkil) (ما فيش مشكلة - مشاكل) : No problem ! Il n’y a pas de problème(s) ! en conclusion d’un accord…

mâ fîch minka(i) ithnayn (ما فيش منك اِثنين) : tu n’as pas de double, tu es unique (compliment adressé)

mâ fîch kedah (ما فيش كده) : il n’y a pas mieux que cela

mafîch fâïda (مفيش فايدة) : il n’y a rien à faire, sans solution (expression empoyée, lors de son exil à Malte, par le leader égyptien ayant lutté pour
l'indépendance de l'Égypte)

mafîch (mâ fîch) kalâm (مفيش كلام) : il n’y a pas de mot (pour traduire quelque chose de fort, d’extraordinaire, de surprenant) ; il n’y a plus rien à dire ! c’est comme cela, un point, c’est tout !

jeudi 18 octobre 2018

balâsh


Reprenant le titre d’une chanson interprétée par le grand Mohamed Abdel Wahab, le réalisateur égyptien Ahmed Amer a intitulé son dernier film, sorti en décembre 2017, "Balâsh Tebosni" (“Ne m'embrasse pas”), une comédie tournant en dérision le tabou du baiser dans le cinéma égyptien contemporain.

Le mot balâsh est très fréquemment utilisé dans le parler égyptien, soit seul (éventuellement précédé de “yâ”), signifiant une négation, un refus, une absence de contrepartie, soit dans des locutions courantes. 

Par exemple :

balâsh ar3 (بلاش ارْع) : lorsque l’on ne croit pas en une certaine parole ou que l’on n’est pas convaincu

balâsh al-lawn al-ghâmiq da (بلاش اللون الغامق ده) : lorsque l’on essaie de consoler quelqu’un, de l’aider à sortir de sa tristesse

balâsh al-noubâ di (بلاش النوبادي) : pas cette fois-ci !

balâsh kalâm fârigh (بلاش كلام فارغ) : ça suffit la plaisanterie ! assez de “paroles creuses” !

mercredi 17 octobre 2018

baladi

'aish baladi
Ce mot, employé comme substantif, fait inévitablement penser à la chanson dédiée à l’Égypte, interprétée par Dalida : Helwa Ya Baladi (Mon Beau Pays).

Employé comme adjectif, il signifie : typique, relatif au pays, traditionnel, authentique, d’origine locale… et, selon ces diverses acceptions, est d’un usage très fréquent. On parlait ainsi autrefois de coudée baladi, variant entre 0 m 575 et 0 m 583, dans le système métrique égyptien. 

Aujourd’hui, l’adjectif se retrouve notamment dans le ‘aish baladi (عيش بلدي - pain sous forme de galette ronde et plate), la salata baladi (سلطة بلدى - mélange de tomates, concombres et oignons), le makouagui baladi (مكوجي بلدي - repasseur "au pied"), la musique baladi (parfois qualifiée de “blues égyptien”) avec son complément : la danse baladi (ou plus simplement : le baladi), ces deux expressions de la culture populaire ayant une renommée bien au-delà des frontières égyptiennes.

lundi 15 octobre 2018

nokta

L'humour égyptien, façon Gamal Abdel Nasser
 
Le mot arabe noukta - bon mot, mot spirituel, dicton, sentence - serait-il issu de la racine nakata, qui signifie “jeter quelqu’un avec violence par terre ; avoir la tête penchée et les yeux fixés sur le sol” ? Peut-être.

Il est bien connu en tout cas que les célèbres nokat (pluriel de nokta) sont l’une des expressions favorites de l’humour considéré comme une seconde nature pour les Égyptiens. En toutes circonstances, ils savent inventer ou reprendre à leur compte ces bons mots, qui leur offrent l’opportunité d’une pirouette de langage ou leur permettent au besoin de faire un pied de nez à une réalité parfois contraignante, voire dramatique.

“La nokta dans le parler des gens, écrit Amr Helmy Ibrahim dans la ‘Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée’ (1995), c’est le trait épicé, comique, la parole agréable qui touche l’esprit et le réjouit. (...) L’origine du sens de nokta dans la langue, c’est l’effet, la conséquence du retournement de la terre. (...) Si la nokta égyptienne est souveraine, c’est d’abord par ce que l’on pourrait qualifier d’excès de lucidité. Cet excès où tout membre authentique de la communauté reconnaît à la fois une vérité indiscutable et un danger irrémédiable, donc l’urgence d’en rire avant d’avoir à en pleurer.”

Dans son Voyage en Égypte, 1935, Eugène Fromentin notait, à propos des Égyptiens : “Ce peuple est doux, soumis, d'humeur facile, aisé à conduire, incroyablement gai dans sa misère et son asservissement. Il rit de tout. Jamais en colère. Il élève la voix, ou crie, ou gesticule, on les croit furieux, ils rient. Leurs masques mobiles, leurs yeux bridés, leurs narines émues, leur bouche toujours entrouverte, large, fendue, leurs dents magnifiques, sont faits, on dirait, pour exprimer tous les mouvements de la gaieté, de l'insouciance, de la joie tranquille.”

Quant à Robert Solé, dans son Dictionnaire amoureux de l’Égypte (Plon, 2001), il décrit cette philosophie du quotidien en ces termes : “Rire - et d’abord rire de soi - est (...) une manière de ne pas pleurer. Quand les embouteillages bloquent le centre du Caire, on se résigne à emprunter le boulevard périphérique, mais après l’avoir surnommé “le cap de Bonne-Espérance”... Les Égyptiens ont l’art de transformer leurs difficultés ou leurs frustrations en histoires drôles, ces fameuses nokat (...) que l’on se raconte avec délices, parfois sous le manteau, et qui courent de ville en ville. Rien de tel pour lutter contre la dépression collective. En 1967, au lendemain de la guerre des Six Jours et de l’humiliante défaite arabe, on a assisté à une telle floraison de blagues politiques que Gamal Abdel Nasser est intervenu publiquement : “Il faut faire attention, car nos ennemis pourraient en profiter.” (...) La nokta, comme le remarque la sociologue Ghislaine Alleaume, c’est “la réponse de l’historiette à l’Histoire”. Ou encore, selon Berto Farhi, “la lutte des faibles contre toutes les oppressions”. Il y a dans la nokta une manière déguisée d’exprimer une opinion politique, de refuser l’incurie et les excès du pouvoir. Les Égyptiens ont tendance à se moquer d’eux-mêmes et rarement des autres peuples : dans une anecdote mettant en scène plusieurs chefs d’État, c’est toujours le pharaon qui est ridicule. Mais ils s’acharnent gentiment sur leurs compatriotes du Sud, appelés Saïdiens, comme les Français le font pour leurs voisins belges.”

“Les Égyptiens sont les rois de la nokta, cette blague trempée dans l'acide, caustique, mordante, typique de leur humour gonflé à l'énergie du désespoir.“ (Claude Guibal et Tangi Salaün, L’Égypte de Tahrir, anatomie d’une Révolution, 2011)

dimanche 14 octobre 2018

yalla !



C’était le mot fétiche de sœur Emmanuelle (1908-2008) qui en 1971, à l'âge de 63 ans, s’était installée dans le bidonville d'Ezbet el-Nakhl, parmi les chiffonniers du Caire.
Il a été repris, en l’honneur de la “religieuse en baskets”, par une chanson de Calogero :

Yalla yalla yalla yalla
Elle m'emmène avec elle
Je t'emmène avec moi
Yalla
Tu trouveras le soleil
Dans le cœur des enfants

Quelle est l’origine de ce mot que l’on peut entendre très fréquemment dans le parler égyptien ? On y a vu “Ya Allah !”, formule implorant l’aide divine pour toute démarche de la vie quotidienne. Pourquoi pas ? Mais je n’ai trouvé aucune explication réellement fiable pour justifier cette étymologie...
 

Dans son Manuel d’arabe égyptien, 1964, Jacques Jomier écrit : “L’expression yalla est employée très fréquemment. Un receveur d’autobus la criera au chauffeur pour lui dire de démarrer. C’est une invitation au mouvement qui équivaudra suivant les cas à : vas-y, allons-y, allez-y. Elle est familière, sans rien de péjoratif. Mais lorsqu’elle est accompagnée de certains mots, elle devient sèche et même brutale : yalla barra ! “Allez ! Sortez !” ; yalla (e)mshi ! “Allez ! F...ez le camp !” (litt. marche, pars). Elle est simplement sèche lorsque des enfants vous entourent et vous importunent désagréablement et qu’on leur dit : yalla ! balash dawsha ! “Allez ! Filez ! Finissez ce bruit !” (ce bruit qui peut être simplement leurs paroles importunes).”