jeudi 4 octobre 2018

khamsîn

Jacob Jacobs, Le khamsin, ou le vent chaud du désert (1859)
Dans l'Égypte antique, il est symbolisé par Seth, dieu belliqueux incarnant les forces mauvaises et violentes de la nature.
À son apparition, écrit Antoine Barthélémy Clot, écrit Clot-Bey, en 1840, le ciel revêt une teinte rougeâtre ; l’atmosphère n’est plus qu’une immense nuée de poussière ; une chaleur excessive dessèche la transpiration cutanée ; le thermomètre Réaumur s’élève quelquefois jusqu’à 40 degrés ; on respire avec peine ; on éprouve un malaise général, une prostration complète, souvent suivie d'ophtalmie, de céphalalgie, d’apoplexie, de dysenterie aiguë ; sous l’influence de ce vent funeste, l’état des malades s’aggrave, et, s’il règne une épidémie, la mortalité s’accroît dans des proportions sensibles.
On l’aura bien sûr reconnu : c’est du khamsîn qu’il s’agit, ce vent sec, chaud et très poussiéreux qui souffle des déserts du sud-est de l'Égypte au sud d'Israël.
Sous l’effet d’un phénomène scientifiquement appelé “gradient de pression”, les molécules de gaz composant l’atmosphère se déplacent de zones de haute pression (anticyclone) vers des zones de basse pression (dépression). Il en résulte un déplacement d’air (le vent), accentué par une différence de température entre deux points du globe. C’est le cas du khamsîn qui souffle du désert du sud chaud vers le nord moins chaud, et qui a la particularité d’entraîner avec lui les poussières les plus fines de sable, ce qui donne cette couleur que connaissent et redoutent tous les Égyptiens.
Khamsîn” signifie “cinquante” en arabe. Ce vent soufflerait donc cinquante jours. Mais, précise Clot-Bey dans 
Aperçu général sur l’Égypte (1840),heureusement, pendant la période des cinquante jours, il ne souffle avec quelque violence qu’à cinq ou six reprises, et la durée de ses plus fortes rafales dépasse rarement vingt-quatre ou quarante-huit heures. (...) Le peuple croit, en Égypte, que le khamsîn commence régulièrement chaque année le deuxième jour de la Pâque : c’est une erreur. La Pâque n’arrive pas tous les ans à la même époque ; le khamsîn commence donc, périodiquement il est vrai, mais à des époques indéterminées, aux environs de l’équinoxe.
Cette particularité météorologique est fréquemment mentionnée dans les récits de voyageurs. Ainsi Alexandre Dumas et Adrien Dauzats dans leur ouvrage Quinze jours au Sinaï : impressions de voyage (1891) : “Les deux tribus rapprochées se mêlèrent, les dromadaires eux-mêmes parurent se chercher les uns les autres, galopant avec agitation et sans ralentir leur allure, et allongeant leurs longs cous de serpent de manière à ce que leur lèvre inférieure effleurât le sol. De temps en temps ils faisaient des écarts irréguliers et soudains, comme si la terre leur eût brûlé les pieds. “Prenez garde,” disait alors Toualeb. Et après lui les Arabes répétaient cet avertissement, que j'entendais sans pouvoir comprendre de quel danger nous étions menacés. Je m'approchai de Béchara pour lui demander d'où venait ce malaise dont nous étions atteints tous, hommes et animaux ; mais le temps des conversations était passé : Béchara, pour toute réponse, prit un pan de son manteau, et, le rejetant par-dessus son épaule, il s'en enveloppa de manière à s'en couvrir le nez et la bouche. J'en fis autant, et, en me retournant, je m'aperçus que notre exemple avait été suivi par les Arabes, dont on n'apercevait plus que les yeux noirs et brillants, plus noirs et plus brillants encore sous leurs bournous (...) ; enfin, au bout d'un quart d'heure, nous n'avions plus de questions à faire, Francs et Arabes, nous en savions autant les uns que les autres. Le désert nous prévenait par tous les signes et nous parlait avec toutes ses voix : c'était le khamsîn.
Les descriptions des voyageurs et géographes frisent parfois le catastrophisme, tel ce récit de Volney (1757-1820) qui, au passage, rappelle des conseils au demeurant fort utiles lorsqu’on est confronté à pareille mésaventure : “Le poumon, qu’un air trop raréfié ne remplit plus, se contracte et se tourmente : la respiration devient courte, laborieuse ; la peau est sèche, et l’on est dévoré d’une chaleur interne insupportable. Malheur au voyageur qu’un tel vent surprend en route, loin de tout asile ; il en subit tout l’effet, qui est quelquefois porté jusqu’à la mort. Le danger est surtout au moment des rafales ; alors la vitesse accroît la chaleur au point de tuer subitement avec des circonstances singulières. Pour éviter les terribles effets du vent empoisonné du désert, il suffit de porter un mouchoir aux narines, ou d’enfoncer le nez dans un trou de sable, comme font les chameaux.
Quant à l’explorateur suisse Jean-Louis Burckhardt (1784 -1817), il est plus modéré sur les risques encourus. Rejetant les “contes des voyageurs”, et ayant été personnellement exposé aux effets du “météore” qu’est le khamsîn, il pense que “l’effet le plus grave que l’on puisse imputer à ce vent, et qui, dans certains cas, pourrait compromettre la vie des voyageurs, est son action sur les liquides contenus dans les outres”.
Le médecin de la Marine J.-B. François clot le sujet, dans son ouvrage Port-Saïd, son hygiène et sa constitution médicale (1874), en ces termes : “La meilleure précaution à prendre quand souffle le khamsîn, c'est de rester enfermé chez soi pendant toute sa durée, de bien fermer les portes et les fenêtres, surtout celles qui sont exposées à ce vent, mettre dans les chambres des vases d'eau à large surface d'évaporation pour remédier à la sécheresse de l'air.


article publié dans "égyptophile" : cliquer ICI

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire