lundi 8 octobre 2018

khawâga

photo datée de 1880 - auteur mon mentionné
Tout étranger en terre d’Égypte a droit, à un moment ou à un autre lorsqu’on l’interpelle, au terme de “khawâga”, sur un ton habituellement amusé.
Ce mot pourrait se traduire, écrit Robert Solé dans son Dictionnaire amoureux de l’Égypte (Plon, 2001), par “Monsieur” ou, mieux encore “Monsieur pas comme moi” : “Il exprime, selon les circonstances, une marque de déférence, une prise de distance ou une forme de dérision.”

Selon le Dictionnaire arabe-français de Kazimirski (édité en 1860), le mot est d’origine persane et il “s’emploie, en arabe, comme terme de politesse donné aux habitants des villes, aux négociants, aux précepteurs et aux simples bourgeois ; il équivaut à Monsieur.”

Dans son étude “Des khawaga au Caire à la fin du XIXe siècle. Éléments pour une définition” (revue Égypte/Monde arabe, Le CEDEJ, 1992), Jean-Luc Arnaud précise que, pour l’époque de référence, le terme “khawaga” est réservé à une minorité d’origines diverses : “Être khawaga au Caire à la fin du XIXe siècle, c'est non seulement faire partie d'une minorité, mais c'est surtout appartenir à plusieurs minorités à la fois. Minorité confessionnelle d'abord. Il faut être chrétien ou juif et, à l'intérieur même de ce groupe, c'est aussi une minorité qui l'emporte : il vaut mieux être de confession grecque-catholique pour prétendre au titre de khawaga. Minorité économique ensuite : il faut être propriétaire foncier, et pas des moindres - 2.000 m2 dans le quartier le plus cher du Caire équivalent à plusieurs dizaines de feddan de terres agricoles. Enfin, alors que les importants propriétaires fonciers bénéficient le plus souvent d'un titre de notabilité, ce sont ceux qui n'en portent pas qui se voient qualifiés de khawaga. Être chrétien ou juif, détenir un important capital foncier et ne pas bénéficier d'un titre officiel de notabilité, telles sont donc les conditions requises pour accéder à cette minorité qu'on appelle les khawaga à la fin du XIXe siècle.”

Qu’en est-il aujourd’hui ? Comment interpréter le terme de “khawâga” dont peut s’entendre qualifier toute personne dont le comportement n’est pas, à l’évidence, celui d’un fils du Nil ? Lisons, à nouveau Robert Solé : “Le khawaga est un étranger, en tout cas quelqu'un qui n’est pas considéré comme tout à fait égyptien. Quoi qu'il fasse, il sera toujours d’ailleurs. On a longtemps appliqué ce qualificatif aux Européens, mais aussi à des non-musulmans des classes moyennes ou supérieures vivant dans la vallée du Nil, même s'ils étaient coptes ou naturalisés : juifs, chrétiens d’origine syro-libanaise, Grecs ou Arméniens.”

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