vendredi 5 octobre 2018

chadouf

dessin d'Eugène Fromentin (1820-1876)
Il fait tant partie du décor de la campagne égyptienne qu’on le voit décrit dans maints ouvrages. Système de levage à bascule, selon le principe du balancier avec contrepoids, le chadouf (ou shadouf) est utilisé pour puiser l’eau du Nil ou d’un point d’eau aux abords d’une zone de plantation à irriguer.
Le mot arabe shâdûf est (sans doute) dérivé de shadif, qualificatif signifiant grand, haut, qui penche d’un côté plus que d’un autre par suite de la fatigue ou d’une surcharge (à propos d’un cheval). 
Ce système rudimentaire était utilisé en Mésopotamie au troisième millénaire avant notre ère, avant de faire son apparition en Égypte à partir du Nouvel Empire.
Fin observateur des mœurs et coutumes des fellahs (titre de son ouvrage publié en 1938), Henry Habib Ayrout propose cette description : "Ainsi, pour élever l'eau basse de trois mètres, le fellah emploie un moyen aussi primitif que simple : il fiche en terre, au bord de la rivière, deux pieux hauts de 1 m. 20 environ et distants de 1 mètre ; il joint leur sommet par une branche horizontale, comme on fait pour établir un but de football. Au milieu de cette traverse, joue un levier plus ou moins droit de 3 mètres environ, terminé à son petit bras par une grosse pierre ou un paquet de terre durcie et au long bras par une tige tombante de 2 m. 50 environ au bout de laquelle est accroché le récipient : panier, seau ou bidon. Tout cet appareillage, le fellah le place dans l'axe de la rigole à remplir. L'installation faite, debout sur la plate-forme aménagée à mi-hauteur de la falaise, le travailleur abaisse le levier en tirant sur la tige jusqu'à ce que le seau plonge dans l'eau et se remplisse ; une légère poussée en haut, accentuée par le retour du contrepoids, fait alors remonter le récipient juste au-dessus de la rigole où il est renversé. Tous ces mouvements se font lentement, scandés dans le rythme d'une mélopée : leur variété semblerait diminuer l'effort et, cependant, plus que les autres, ce travail fait gémir le fellah. La tristesse de son chant l'aurait déjà laissé deviner mais ceux qui ont eu la patience de recueillir les paroles de l'une ou l'autre de ces mélopées nous en donnent la certitude."
Voici quelques exemples de ce que Pierre Loti qualifie de “mélopée”, accompagnant les grincements du bois mouillé, et Maxime Du Camp, de “chant plaintif de ces malheureux que nul repos ne délasse” :

"Shawâdîf,
Leurs liens sont en fibre de palmier,
Leurs seaux en peau de chèvre ;
C'est aux temps anciens qu'il inventa les shawâdîf,
Le bienheureux Salih Zabadi."

"As-tu décidé de m'étrangler, ô Dieu ?
Détache le nœud !
[Sur moi] ne pleure ni mère
Ni tante,
Ni sœur."

"Depuis l'aube je peine et mes bras sont rompus.
Qui ne connaît que toi gémit dans la tristesse.
Ô faix de mon destin, tu retombes sans cesse,
Il faut qu'on te relève et toujours que je tire.
Hissa ho !
Que ta coupe est pesante, ô chadouf de malheur !”

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